#Visagesdesoignants : Entretien avec Brigitte Mallet-Durand, psychologue clinicienne spécialisée en gérontologie

Pourquoi la Polyclinique Bordeaux Caudéran a-t-elle mis en place un accompagnement spécifique pour les aidants, et quels besoins particuliers avez-vous identifiés chez eux ?

À la Polyclinique Bordeaux Caudéran, nous suivons des patients âgés de plus de 75 ans atteints de pathologies neurodégénératives. Derrière chaque patient, il y a un aidant principal – souvent un conjoint ou un enfant – qui joue un rôle essentiel, mais qui s’expose à une grande vulnérabilité :
• charge constante et épuisement,
• isolement social,
• manque de reconnaissance,
• souffrance émotionnelle liée à l’évolution de la maladie.

Ces aidants ont besoin d’écoute, de soutien et d’un espace où exprimer leurs difficultés sans jugement.

Concrètement, quels types de soutien psychologique et d’accompagnement proposez-vous ?

Nous proposons essentiellement des entretiens individuels, notamment lors de l’hospitalisation de jour (HDJ). Ce temps dédié à l’aidant permet :
• d’expliquer la maladie et ses symptômes,
• de nommer les émotions (tristesse, colère, peur, culpabilité),
• de mieux comprendre certains comportements (agressivité, opposition, agitation,) en liens avec les troubles cognitifs,
• de reconnaître l’épuisement physique et psychique,
• d’offrir un espace de parole bienveillant et non jugeant.

Mon expérience de plus de 10 ans auprès de groupes d’aidants m’a appris l’importance de valoriser leur engagement, notamment pour ces couples ayant parfois 50 ou 60 ans de vie commune.

Les signes d'épuisement chez les aidants sont l'anxiété, la tristesse, la baisse de l'estime de soi ("est-ce que je fais bien?), la culpabilité, et parfois de la honte (attitudes inadaptées du patient : inhibition, gloutonnerie etc..). 

Le plus souvent, ils limitent les liens sociaux et amicaux, avec le sentiment que les personnes extérieures ne peuvent comprendre ce qui est vécu. Cet isolement a un impact important sur le bien être mental et physique de l'aidant. 
 

Depuis la création de l'hôpital de jour (HDJ) il y a trois ans, une prise en charge pluridisciplinaire du patient est proposée de même qu’un accompagnement parallèle à l’aidant.

 

Quels effets positifs observez-vous chez les aidants qui bénéficient de ce suivi ?

Dans la majorité des cas, c’est un grand soulagement. Beaucoup disent : « c’est comme si on m’extrayait d’un huis clos ». Mettre des mots sur ses ressentis est libérateur.
Ils gagnent en compréhension de la maladie, ce qui les aide à prendre du recul et à mieux vivre leur rôle au quotidien.

Les médecins gériatres sont très impliqués dans cette prise en charge. Nous revoyons dans certains cas les aidants à distance car la situation peut évoluer. Ils ont besoin de temps pour cheminer avant d'accepter certaines aides proposées par l'assistante sociale du service (accueil de jour, accueil temporaire, aides à domicile). 

Comment collaborez-vous avec les autres professionnels de Polyclinique Bordeaux Caudéran ?

À l’HDJ, nous travaillons directement auprès des patients et de leurs proches. Dans les autres services, l’accompagnement est souvent prescrit par le médecin gériatre. Il peut arriver que soit proposé un séjour de répit, où le patient est hospitalisé pendant que l’aidant bénéficie d’un suivi spécifique. L'aidant peut prendre du temps pour soi et se ressourcer.

Nous utilisons également l’échelle de Zarit (ou inventaire du fardeau), qui permet d’évaluer l’épuisement de l’aidant et d’objectiver sa souffrance.

Quel message adressez-vous aux aidants qui hésitent encore à demander de l’aide ou à participer à ce dispositif ?

• N’attendez pas d’être épuisé pour chercher du soutien.
• Rapprochez-vous des professionnels qui connaissent ces pathologies : vous n’êtes pas seuls.
• Votre rôle est essentiel pour le maintien à domicile, mais vous ne pouvez pas tout porter.
• N’hésitez pas à alerter quand la situation devient trop lourde.
• Participez aux journées des aidants et rapprochez-vous des consultations de gériatrie : ce sont des ressources précieuses.
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Prendre soin de soi, c’est aussi prendre soin de son proche malade.